LA ROUDOULE, UNE VALLEE A REMONTER LE TEMPS

270 MILLIONS D’ANNEES SUR 13 KM

 

Si le Pays de la Roudoule est devenu un rendez-vous privilégié des géologues de tous pays, c’est parce qu’il offre dans un périmètre rapproché l’exceptionnelle possibilité de remonter 270 millions d’années sur 13 km ! La situation géologique et géographique générale est conditionnée par l’existence d’un vaste et puissant massif primaire : le dôme de Barrot, culminant à 2137 m et formé de roches rouges imperméables, les pélites.

 

Le Permien (-295 à -245 millions d’années)

A l’origine, vers 300 millions d’années, nous nous trouvons transportés dans un environnement désertique et hostile, l’emplacement du futur dôme du Barrot correspondait à un bassin en voie d’affaissement. A l’emplacement actuel de Léouvé, un cours d’eau temporaire drainait des sables et galets provenant des massifs méridionaux. Puis, cet environnement spécifique a reçu, des volcans de l’Esterel, des nuages de cendres volcaniques durant 50 millions d’années. La puissance de ces dépôts de pélites est considérable : un kilomètre d’épaisseur. Les gorges de Daluis, et du Cians n’en atteignent pas la base. Au cours de cette très longue période de temps, l’environnement était particulièrement hostile. Les temps permiens coïncident avec l’une des crises biologiques majeures de l’histoire de la Terre. Dans ce contexte général d’aridité, la vie végétale et animale se concentrait autour de mares temporaires et de zones marécageuses peu profondes.

Le Trias (-245 à -205 millions d’années)

Le Trias inférieur

Le début du Trias connaît une érosion intense d’un proche massif cristallin. Cette érosion produit des roches conglomératiques riches en galets de quartz, l’arkose ravine sur le Permien. C’est à ce niveau que se rencontre le minerai de cuivre qui sera ultérieurement exploité et que dans ce contexte évoluaient les grands reptiles.

 Le Trias moyen

Un changement majeur se produit au cours du Trias moyen (-220 millions d’années) avec une première avancée marine. Elle n’atteint pas une grande ampleur et n’est encore que temporaire puisqu’elle laisse la place à des lagunes, véritables marais salants naturels, dans lesquelles se déposent des roches salines (ici essentiellement du gypse). La formation de cette couche plastique aura une grande importance ultérieurement dans la mesure où elle jouera le rôle de « couche savon » entraînant le décollement et le glissement de la couche Jurassique et Crétacé du dôme du Barrot sur le socle.

Le Jurassique (-202 à -135 millions d’années)

La mer recouvre toute la région. Elle dépose exclusivement des sédiments marins plus ou moins calcaires ou argileux suivant les niveaux. Peu profonde au Lias (-200 à -175 millions d’années), elle était peuplée de crinoïdes et d’une très grande quantité d’huîtres. Ce complexe est représenté à la base par des calcaires noirs en bancs compacts, puis des calcaires argileux bien lités. L’avancée marine s’accentuant, la profondeur des mers augmente. Des mollusques tels que les ammonites et les bélemnites évoluent en grandes quantités dans ces eaux.

Le Crétacé (-130 à -65 millions d’années)

En passant du Jurassique au Crétacé le régime marin ne se modifie pas. Vers -85 millions d’années la mer marque un net mouvement de recul. Sur les fonds prolifèrent alors de véritables récifs d’éponges. Le régime marin tend à redevenir littoral, la situation évoluant vers l’émersion. Aux environs de 70 millions d’années, le dôme du Barrot connaît sa première phase de bombement. Cette phase continentale s’inscrit dans le cadre du plissement provençal.

L’ Eocène (-45 à -35 millions d’années)

Vers -50 millions d’années, à l’Eocène, la mer revient d’est en ouest, de l’Italie vers la Haute-Provence. Sa faune est très riche en mollusques, échinides et madrépores. Dès la fin de cette période, la mer a fortement régressé, et le secteur redevient émergé au cours de l’Oligocène (-33 à -23 millions d’années).

Le Pliocène (-6 à -2 millions d’années)

La mise en place de la chaîne alpine, affecte le Pays de la Roudoule par une tectonique de glissement. La phase de serrage est si intense que les terrains se soulèvent, et que le socle Permien du dôme du Barrot se bombe. Les dépôts du Trias servent de semelle de glissement à l’ensemble de la série sédimentaire se trouvant au-dessus (couches calcaires marines). Ces dépôts glissent, vont se plisser et se rompre pour faire réapparaître le socle permien rouge. 

source : THOMEL Georges – Le temps géologique et l’homme à l’échelle des Pays de la Roudoule, écomusée du Pays de la Roudoule, Puget-Rostang, 1997, 37 p.

 

Schéma : André Payan-Passeron, 2013

 

PARCOURS GEOLOGIQUE AU DEPART DE PUGET-THENIERS

1. La Carrière à Nummulites -35 millions d’années (1,5 km de Puget-Théniers – à droite avant le virage)

La carrière est entaillée dans les calcaires du Nummulitique. Ces calcaires doivent leur nom aux fossiles marins foraminifères : les nummulites. Il existait une mer à l’emplacement des Alpes vers la zone italienne à cette période. Cette mer devait avoir quelques dizaines de mètres de profondeur avec une vie importante comme en témoigne la teneur en fossiles. Les calcaires sont issus des dépôts de poussières de calcite : du carbonate de calcium au fond de la mer. Lorsque la mer est très profonde le carbonate de calcium se dissout. Sur la partie gauche de la carrière on observe un miroir de faille dû aux déformations des chaînes subalpines. Les failles sont des fractures accompagnées du déplacement relatif de deux compartiments en présence. Sur ce miroir on peut remarquer des stries de calcite qui sont des marqueurs de la direction et du sens de déplacement des deux compartiments.

carrière nummulites

Phénomène de discordance entre les bancs (-95 à -65 millions d’années)

On observe une alternance de marnes et de petits bancs calcaires datés du Crétacé supérieur (-95 à -65 millions d’années). En dessous se trouvent des calcaires à Nummulites (- 35 millions d’années). Les bancs tertiaires sont inclinés selon une certaine pente or les bancs secondaires possèdent une pente plus importante. Les bancs ne concordent pas. Il y a un phénomène de discordance entre les bancs. Entre les dépôts des calcaires du Crétacé, et celui des calcaires à Nummulites s’est produit un léger mouvement tectonique.

2. Ancienne terrasse de la Roudoule ( -80 millions d’années)

ancien lit RoudouleL’érosion est surtout le fait du ruissellement torrentiel qui a creusé la vallée de la Roudoule, en témoigne l’ancienne terrasse de la rivière qui coulait à ce niveau. Les galets roulés sont en place, ils proviennent du lit de la rivière. Au-dessus se trouvent des éboulis de bancs, les pierres sont anguleuses.

3. Phénomène de fauchage.(-100 à -80 millions d’années) (passé l’embranchement de Puget-Rostang à 3km de Puget-Théniers)

cénomanien - phénomène de fauchageLe passage du Turonien au Cénomanien (-80 à -100 millions d’années) se fait par une diminution progressive des lits calcaires au bénéfice des interlits marneux. Au niveau des grillages de protection la série cénomaniennne est affectée par un phénomène de fauchage, les couches qui à cet endroit sont redressées s’affaissent sous l’effet de leur propre poids. Il s’agit d’un mouvement quaternaire dû à l’érosion.

 

 

4. Phénomène de débit en miches. Cénomanien (-95 à -90 millions d’années) (3,5 km après la descente à la pépinière de l’O.N.F.)

Ce débit en miches, ressemblant à des boules de pain correspond à un mode particulier de sédimentation. Quand le calcaire se fait rare, quelquefois il se cristallise autour d’un point et refoule les argiles.

5. Phénomène de synclinal.(-100 millions d’années) (4,5 km de Puget-Théniers au dessus de la ferme du Rivet)

synclinalLa présence d’une fosse marine est marquée à l’Aptien-Albien (-100 millions d’années environ) par les marnes noirâtres en bordure du vallon du Rivet : les roubines. Elles sont colorées ainsi parce qu’elles ne sont pas perméables. L’eau ne circule pas à l’intérieur donc il n’y a pas de phase d’oxydation. La couleur naturellement bleutée est due au sulfure de fer qui n’a pas « rouillé ». Leur érosion par des eaux de ruissellement détermine un chevelu de petits ravins. Au-dessus repose en alternance les couches calcaires et marneuses (Aptien supérieur-Vraconien). Elles sont plissées et remontent vers le col de St Léger. Ce plissement en creux : un synclinal est l’un des résultats de la tectonique de glissement du Pays de la Roudoule.

6. Clue de la Roudoule. Jurassique Malm (-150 -130 millions d’années)

Tous les terrains de la période du Crétacé se terminent à cet endroit. Débute alors le jurassique avec une épaisse barre calcaire, la barre du Tithonique. Ces dépôts ont été faits au début de l’approfondissement de la mer au secondaire. La dalle Jurassique entaillée par la Roudoule forme une clue de 65 mètres d’à-pic.

7. Mur de travertin. Jurassique Malm (-150 -130 millions d’années) (6,3 km de Puget-Théniers)

tufOn est en présence d’un mur de travertin. Ce sont des concrétions de sources incrustantes. A l’origine se trouvaient des tiges végétales qui ont été progressivement entourées de calcite. En pourrissant ces tiges ont laissé un emplacement vide. Au sud, on remarque l’alternance des calcaires et des marnes sur des couches beaucoup plus épaisses. Elles nous informent sur la variation de la profondeur d’une mer. La présence de calcaire est synonyme d’une mer profonde de quelques dizaine de mètres. A l’opposé, la marne qualifie un fond marin très profond où le carbonate de calcium se dissout.

 

8. Silex noirs (6,6 km, embranchement de la route de La Croix-sur-Roudoule)

 

On observe dans le talus les calcaires noirs du Bajocien renfermant des silex noirs.

9. Sous la chapelle Saint Sébastien : une stratigraphie géologique inversée (6,8 km – départ du sentier pour Amarines)

Sous la chapelle Saint Sébastien, perchée au sommet d’une barre rocheuse surplombant la route, la série est inversée. La logique veut que les terrains sédimentaires plus jeunes soient situés au-dessus des terrains plus vieux, terrains qui se sont déposés les premiers. Dans ce cas, on observe le contraire. Les calcaires du Lias (- 200 -175 millions d’années) sur lesquels est bâtie la chapelle reposent sur les calcaires Dogger (-175 -150 millions d’années). Lors des mouvements alpins, lorsque le socle terrestre et le Permien (dépôts de pélites rouges entre – 295 et -245 millions d’années) se sont soulevés, la couverture a glissé entraînant la formation d’un pli, un anticlinal couché.

10. Le faciès de Léouvé. Permien (-290 -245 millions d’années)

Au pied méridional du dôme du Barrot, les terrains rouges constitués de pélites, d’arkoses et de conglomérats à éléments volcaniques caractérisent le faciès de Léouvé. Les formations de la base du Trias sont visibles en crête du dôme du Barrot. C’est au contact du Trias et du Permien que se sont formées des minéralisations cuprifères.

Source : itinéraire géologique de la vallée de la Roudoule, Ecomusée du Pays de la Roudoule, Puget-Rostang, 1986

 

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