La Forge Isnard à Cuébris

Patrimoine

Une entreprise familiale

  • Marius Isnard

Né en 1848 à Cuébris, il est identifié comme maréchal-ferrant dans le recensement communal de 1906. Son père Jean-Baptiste était quant à lui cultivateur. Un de ses livres comptes, conservé dans les archives familiales, atteste qu’il exerce également entre 1896 et 1916 en qualité de forgeron et taillandier. Son épouse Marie Ursule, qu’il a connu depuis le plus jeune âge au village (née Geauffret), lui a donné cinq enfants, trois filles : Gabrielle, Rosalie et Rosa et deux fils : Eloi (né en 1878) et Joseph (né en 1881). En 1906, les deux jeunes hommes sont qualifiés de forgeron. Ils aident leur père, avec un garçon d’atelier, Paul François, originaire de Tournefort. Joseph réside à Nice dès 1910, et après avoir été artilleur durant la Première Guerre mondiale, il est employé comme ajusteur à la compagnie de tramway de Nice et du littoral. Eloi, l’aîné, reprend l’entreprise familiale.

Extrait du livre du compte de Marius Isnard tenu entre 1896 et 1916. Fonds Christine Thomas.

Eloi effectue son service militaire dans le 2ème régiment de Dragons le 1er novembre 1899, probablement comme maréchal-ferrant. Il retrouve son foyer le 31 octobre 1902. En mai 1904, son carnet de vétéran atteste qu’il exerce la profession de maréchal-ferrant au village. Le 18 avril 1907, il se marie à Courségoules avec Eulalie Rodes. Il est élu l’année suivante au Conseil municipal de Cuébris et devient maire en 1912, comme son aïeul Eugène Isnard.Lorsque la Première Guerre Mondiale éclate Eloi est mobilisé au 15e Escadron du Train, 26e compagnie comme maréchal-Ferrant. Il participe à la campagne d’Orient à partir du 1er février 1917 (18e Cie, 68e Cie et 161e Cie). La 161e compagnie muletière envoyée en Bulgarie, participait à toutes les opérations militaires en direction du Danube. Elle assurait le ravitaillement du front en obus dans la région de Slivica et Yven et le transport du matériel du génie dans les régions de Bratevernei et Monastri. Eloi n’est démobilisé que le 10 février 1919. Il reprend son activité professionnelle et son mandat de Maire. Il le conservera jusqu’en 1944. L’année suivante, il accueille Marcel Galfré pour l’aider à poursuivre son activité.

Eloi Isnard, mobilisé le 2 août 1914 au 15e escadron du train. Fonds Christine Thomas.

Marcel Galfré

Cet enfant de l’Assistance Publique d’abord placé à La Penne, est âgé de 15 ans lorsqu’il est pris en charge par « Monsieur Isnard » qui « lui apprend à travailler à la forge ». Apprendre à refouler, étirer le métal et polir en frappant en rythme est un apprentissage difficile ! Marcel reste au côté d’Eloi Isnard jusqu’à son départ pour le service militaire à l’âge de 19 ans en 1949. A cette date l’’activité de la forge se ralentit. Comme le fait justement remarquer Marcel Galfré:  » tout seul, on ne peut pas travailler à la forge. On ne peut faire que des petites bricoles. On ne peut plus fabriquer ni hache, ni serpe, car il faut obligatoirement quelqu’un qui frappe à la masse ». A son retour au village, Il lui arrive encore « de bricoler » à la forge, pour son compte avec l’accord d’Eloi. Parfois il répare quelques outils ou objets pour les villageois, comme par exemple une selle de vélo pour Charles Otini…

Marcel Galfré, tenant une tenaille à bouterolles. Cliché, P.Thomassin,Roudoule

Fernand Isnard

Eloi Isnard décède le 11 juin 1961 et son fils Fernand, même s’il lui arriva de porter le tablier dans les années 1950, ne reprit pas l’activité.

Une forge restaurée

La forge est rachetée par la commune en 2016. Elle est restaurée, dans le cadre du plan concerté de la Communauté de Communes Alpes d’Azur, grâce à l’engagement du Conseil Municipal. Ce projet a bénéficié du soutien du Sénateur des Alpes-Maritimes Jean-Pierre Leleux, de la Région Sud et du Conseil départemental des Alpes-Maritimes. Elle est ouverte au public depuis septembre 2019.

Des taillandiers

On faisait des séries, de faucilles, de serpes, de haches…. Pour faire tout les outils, trois mots : on étire, on refoule, on polie. Celui qui frappe la masse doit suivre ce que fait le marteau. Si le marteau étire, la masse étire (tranche) si le marteau poli (frappe à plat), la masse polie. Marcel GalfréLes taillandiers fabriquent des outils propres à tailler et le terme « taillanderie » désigne très généralement les fabrications d’outils forgés. Aux outils à tailler, s’ajoutent la martellerie, comme la fabrication de faucilles et de serpettes, la réparation ou le « racommadage » d’outils agricoles divers, les bêches (magaou), les socs d’araire…, et la conception d’articles tranchants de ménage (hachoir) et de boucherie (comme les maras utilisé pour fendre les carcasses ou pour débroussailler)

La réputation des outils de la famille Isnard n’est plus à faire dans ce domaine. On retrouve encore aujourd’hui, des caves aux greniers et du Verdon au Mentonnais(cf : liste des revendeurs), faucilles ouvolants (oulame ou voulume) utilisées pour la moisson, faucilles pour couper l’herbe pour les lapins ou « peler la lavande », serpette pour débrouissailler, haches, hachettes, merlins et gouges…

Les fers et les aciers utilisés par la famille Isnard sont très bonne qualité. Les limes à fer et râpes à bois sont recyclées. Lorsqu’ Eloi Isnard, obtient le marché de démantèlement de la ligne de tramway de l’Estéron, en 1929, il récupère plusieurs tonnes d’acier. C’est ainsi,que les lames des ressorts de wagons sont privilégiées pour la forge de l’outillage.L’affûtage des outils se faisait dans un ancien moulin à farine, situé en contrebas du village reconverti pour entraîner une meule. L’ axe supportant la meule était entraînée par une roue à augets et un dispositif de poulies et courroies plates. La tension de la courroie se faisait en poussant le galet de la roue à aube. La vitesse de rotation de la meule était choisie en fonction des outils. -Si c’est une serpe, elle tourne moins vite, car le fer assez fin risque de chauffer et de se « détremper »- explique Marcel Galfré. Une martelière permettait de régler le débit arrivant sur la roue à aube. Les taillandiers se rendaient au moulin après avoir fabriqué une série d’outils. Un panier, porté sur l’épaule, pouvait suffire ou sinon le mulet était chargé à cet effet. Le dispositif hydraulique du moulin de Cuébris permettait d’actionner également un tour, destiné à façonner les manches en hêtre des serpes et des faucilles.

Suivez-nous sur nos réseaux sociaux !

Catégories

Share This